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123. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin. 17 avril 1760.



Sire,

Nous ne manquerons pas de faire mettre l'errata; mais la plupart des fautes avaient été déjà corrigées par des cartons, et vous ne trouverez surtout plus celle de pieds pour genoux. Que voulez-vous que fasse un pauvre correcteur avec ces misérables imprimeurs? Il corrige trois épreuves, il les rend correctes, et un compositeur qui tire la dernière épreuve brouille, renverse les lettres; cela est désespérant. Un garçon d'imprimerie s'avisa, de son autorité, de corriger le mot genoux et de mettre celui de pieds, disant à ses camarades qu'il entendait le français, et qu'il savait bien ce qu'il faisait. Pour empêcher de pareilles choses, il faudrait qu'il fût permis à un correcteur de punir ces misérables. On a commencé une seconde édition, la première ayant été achetée, avant d'être achevée, par ceux qui avaient arrêté d'avance des exemplaires. Il y a déjà plus de la moitié de cette seconde édition de faite, et aucune des fautes de la première ne s'y trouvera.

J'ai fait chercher, Sire, depuis quatre jours, les Lettres de votre Chinois chez tous les libraires, et aucun ne les avait; ils ne les connaissaient pas même. Enfin, hier, un de mes amis m'en envoya un exemplaire comme une nouveauté; il faut apparemment qu'il soit parvenu aux libraires depuis que j'avais envoyé chez eux. Si vous voulez, Sire, me céder ces six Lettres chinoises, je les troque contre les six volumes des Lettres juives. Vous avez parfaitement atteint le but que vous vous êtes proposé d'accabler non seulement de ridicule, mais encore de honte le pape et la cour de Rome. Rien de superflu dans votre ouvrage, mais rien d'oublié de tout ce qui pouvait le rendre utile. La plaisanterie, si j'ose me servir d'une expression des médecins,