<199> que les sciences sont pernicieuses, qu'elles ont rendu les vices plus raffinés, et qu'elles pervertissent les mœurs. De pareilles faussetés sautent aux yeux, et sous quelque apparence qu'on les présente, il demeurera constant que la culture de l'esprit le rectifie au lieu de le dépraver. Qu'est-ce qui corrompt les mœurs? Ce sont les mauvais exemples; et comme les maladies épidémiques font de plus grands ravages dans des villes immenses que dans des hameaux, il arrive de même que la contagion du vice fait plus de progrès dans les cités, qui fourmillent de peuple, que dans les campagnes, où les travaux journaliers et une vie plus retirée conservent la simplicité des mœurs dans leur pureté.

Il s'est trouvé de faux politiques, resserrés dans leurs petites idées, qui, sans approfondir la matière, ont cru qu'il était plus facile de gouverner un peuple ignorant et stupide qu'une nation éclairée. C'est vraiment puissamment raisonner, tandis que l'expérience prouve que plus le peuple est abruti, plus il est capricieux et obstiné, et la difficulté est bien plus grande de vaincre son opiniâtreté que de persuader des choses justes à un peuple assez policé pour entendre raison. Le beau pays que celui où les talents demeureraient éternellement étouffés, et où il n'y aurait qu'un seul homme moins borné que les autres! Un tel État, peuplé d'ignorants, ressemblerait au paradis perdu de la Genèse, qui n'était habité que par des bêtes.

Quoiqu'il ne soit pas nécessaire de prouver à cet illustre auditoire et dans cette académie que les arts et les sciences procurent autant d'utilité qu'ils donnent d'éclat aux peuples qui les possèdent, il ne sera peut-être pas inutile d'en convaincre un genre de personnes moins éclairées, pour les prémunir contre les impressions que de vils sophistes pourraient faire sur leur esprit. Qu'ils comparent un sauvage du Canada avec quelque citoyen d'un pays policé de l'Europe, et tout l'avantage sera en faveur de ce dernier. Comment peut-on préférer la nature grossière à la nature perfectionnée, le manque de