<174> sont hommes comme les autres; ils ne jouissent point du privilége exclusif d'être parfaits dans un monde où rien ne l'est; ils apportent leur timidité ou leur résolution, leur activité ou leur paresse, leurs vices ou leurs vertus sur le trône où les place le hasard de leur naissance; et dans un royaume héréditaire il faut de nécessité que des princes de tout caractère se succèdent. Il y a de l'injustice à prétendre que les princes soient sans défauts, quand on ne l'est pas soi-même. Quel art y a-t-il à dire : un tel est fainéant, avare, prodigue ou débauché? Pas plus qu'à lire, en se promenant dans une ville, les enseignes des maisons. Un philosophe, qui doit savoir que la nature des choses ne change jamais, ne s'amusera pas à reprocher à un chêne de ne point porter des pommes, à un âne de ne point avoir les ailes d'un aigle, à un esturgeon de ne point avoir les cornes d'un taureau; il n'exagérera point des maux réels, mais difficiles à remédier; il n'ira pas crier : tout est mal! sans dire comment tout pourrait être bien; sa voix ne servira point de trompette à la sédition, de signe de ralliement aux mécontents, de prétexte à la rébellion; il respectera les usages établis et autorisés par la nation, le gouvernement, ceux qui le composent, et ceux qui en dépendent. C'est ainsi que pensait le pacifique Du Marsais, auquel on fait composer un libelle deux ans après qu'il est mort et enterré, mais dont le véritable auteur ne peut être qu'un écolier aussi novice dans le monde qu'étourdi. Mais que me reste-t-il encore à dire? Quoi! dans un pays où l'auteur de Télémaque éleva le successeur du trône, on se récrie contre l'éducation des princes! Si l'écolier répond qu'il n'y a plus de Fénelon en France, il doit s'en prendre à la stérilité du siècle, et non pas à ceux qui dirigent l'éducation des princes.

Voici en substance mes remarques générales sur l'Essai des préjugés. Le style m'en a paru ennuyeux, parce que c'est toujours une déclamation monotone où les mêmes idées répétées se représentent trop souvent sous la même forme. Parmi ce chaos j'ai cependant