<165> savez par expérience si cette puissance fait la guerre, et comme elle la fait. Les Hollandais, depuis la fondation de leur république, se sont mêlés de tous les troubles de l'Europe. La Suède a fait autant de guerres dans un temps donné, étant république, qu'elle en a entrepris étant monarchie. Quant à la Pologne, je vous demande ce qui s'y passe à présent, ce qui s'y est passé dans ce siècle, et si vous croyez qu'elle a joui d'une paix perpétuelle. Tous les gouvernements de l'Europe et de tout l'univers, j'en excepte les quakers, sont donc, selon vos principes, des gouvernements tyranniques et barbares. Pourquoi donc accuser les monarchies seules de ce qu'elles ont de commun avec las républiques?

Vous déclamez contre la guerre. Elle est funeste en elle-même; mais c'est un mal comme ces autres fléaux du ciel qu'il faut supposer nécessaires dans l'arrangement de cet univers, parce qu'ils arrivent périodiquement, et qu'aucun siècle n'a pu se vanter jusqu'à présent d'en avoir été exempt. Si vous voulez établir une paix perpétuelle, transportez-vous dans un monde idéal où le tien et le mien soient inconnus, où les princes, leurs ministres et leurs sujets soient tous sans passions, et où la raison soit généralement suivie; ou bien associez-vous aux projets de défunt l'abbé de Saint-Pierre;a ou, si cela vous répugne, parce qu'il a été prêtre, laissez aller les choses leur train; car dans ce monde-ci il faut vous attendre qu'il y aura des guerres, comme il y en a toujours eu depuis que les actions des hommes nous ont été transmises et connues.

Voyons à présent si vos exagérations vagues contre le gouvernement français ont quelque fondement. Vous accusez Louis XV, en le désignant et sans le nommer, qu'il n'a entrepris que des guerres injustes. Ne pensez pas qu'il suffise d'avancer de tels faits avec autant d'effronterie que d'impudence; il faut les prouver, ou, tout philosophe que vous voulez paraître, vous passerez pour un insigne calom-


a Voyez ci-dessus, p. 36