<164> les rois que de commisération et d'humanité pour les peuples qui en souffrent indirectement. Notre philosophe approuverait-il un souverain qui, par pusillanimité, se laisserait dépouiller de ses États, qui sacrifierait l'honneur, l'intérêt et la gloire de sa nation au caprice de ses voisins, et qui, par d'inutiles efforts pour conserver la paix, se perdrait, lui, son État et ses peuples? Marc-Aurèle, Trajan, Julien furent continuellement en guerre, cependant les philosophes les louent; pourquoi blâment-ils donc les souverains modernes de suivre en cela leur exemple?

Non content d'insulter à toutes les têtes couronnées de l'Europe, notre philosophe s'amuse, en passant, à répandre du ridicule sur les ouvrages de Hugo Grotius. J'oserais croire qu'il n'en sera pas cru sur sa parole, et que le Droit de la guerre et de la pair ira plus loin à la postérité que l'Essai sur les préjugés.

Apprenez, ennemi des rois, apprenez, Brutus moderne, que les rois ne sont pas les seuls qui font la guerre; les républiques en ont fait de tout temps. Ignorez-vous que celle des Grecs, dans des dissensions continuelles, fut sans cesse en proie aux guerres civiles? Ses annales contiennent une suite continuelle de combats contre les Macédoniens, les Perses, les Carthaginois et les Romains, jusqu'au temps que la ligue des Étoliens accéléra sa ruine entière. Ignorez-vous qu'aucune monarchie n'a été plus guerrière que la république romaine? Pour vous faire une récapitulation de tous ses faits d'armes, je serais obligé de vous copier son histoire d'un bout à l'autre. Passons aux républiques modernes. Celle des Vénitiens a combattu contre celle de Gênes, contre les Turcs, contre le pape, contre les Empereurs, et contre votre Louis XII. Les Suisses ont soutenu des guerres contre la maison d'Autriche et contre Charles le Hardi, duc de Bourgogne; et, pour me servir de vos nobles expressions, plus bouchers que les rois, ne vendent-ils pas leurs citoyens au service des princes qui se battent? L'Angleterre, autre république, je ne vous en dis rien; vous