<157> détruits, il ne se passerait pas trente années, qu'on en verrait renaître de nouveaux, et qu'enfin les erreurs s'étendraient avec rapidité, et l'inonderaient entièrement. Ce qui s'adresse à l'imagination des hommes l'emportera toujours sur ce qui parle à leur entendement. Enfin j'ai prouvé que de tout temps l'erreur a dominé dans le monde; et comme une chose aussi constante peut être envisagée comme une loi générale de la nature, j'en conclus que ce qui a été toujours sera toujours de même.

Il faut cependant que je rende justice à l'auteur, quand elle lui est due. Ce n'est point la force qu'il se propose d'employer pour faire des prosélytes à la vérité; il insinue qu'il se borne à ôter aux ecclésiastiques l'éducation de la jeunesse, dont ils sont en possession, pour en charger des philosophes; ce qui préservera et garantira la jeunesse contre ces préjugés religieux dont jusqu'à présent les écoles l'avaient infectée dès la naissance. Mais j'ose lui représenter que, si même il avait le pouvoir d'exécuter ce projet, son attente se trouverait trompée, en lui citant un exemple de ce qui se passe en France, presque sous ses yeux. Les calvinistes s'y trouvent dans la contrainte d'envoyer leurs enfants aux écoles catholiques : qu'il voie ces pères, comme à leur retour ils sermonnent leurs enfants, comme ils leur font répéter le catéchisme de Calvin, et quelle horreur ils leur inspirent pour le papisme. Ce fait est non seulement connu, mais il est de plus évident que sans la persévérance de ces chefs de famille, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus de huguenots en France. Un philosophe peut s'élever contre une telle oppression des protestants, mais il n'en doit pas suivre l'exemple; car c'est une violence d'ôter aux pères la liberté d'élever les enfants selon leur volonté; c'est une violence d'envoyer ces enfants à l'école de la religion naturelle, quand les pères veulent qu'ils soient catholiques comme eux. Un philosophe persécuteur serait un monstre aux yeux du sage; la modération, l'humanité, la justice, la tolérance, ces vertus doivent le caractériser. Il faut que ses prin-