<639> remettre en même temps un ouvragea que l'auteur, qui est de mes amis, m'a chargé de présenter à un aussi excellent juge. Cet auteur, Sire, est M. le chevalier de Chastellux, homme de qualité, et d'une des plus anciennes maisons de France, brigadier des armées du Roi, homme d'ailleurs de beaucoup d'esprit et de mérite, et pénétré d'admiration pour V. M. L'application constante que M. le chevalier de Chastellux donne à son métier ne l'empêche pas, Sire, à l'exemple de V. M., de cultiver avec succès les lettres et la philosophie. L'ouvrage qu'il a l'honneur d'offrir à V. M. lui prouvera qu'il joint à une connaissance très-étendue de l'histoire des vues philosophiques, l'amour de l'humanité, et le talent d'écrire. Il se propose de prouver que l'espèce humaine est moins malheureuse qu'autrefois, et que son malheur ira toujours en diminuant, grâce au progrès des lumières. Je le souhaite encore plus que je ne l'espère. Mais, de quelque manière que V. M. pense à ce sujet, j'ai lieu de croire que cet ouvrage lui inspirera de l'estime pour l'auteur, qui serait infiniment flatté que V. M. voulût bien l'en assurer elle-même. Il mérite d'autant plus, Sire, de recevoir de vous cette marque flatteuse de bonté, qu'il est presque aujourd'hui la seule personne distinguée par sa naissance, dans ce malheureux royaume, qui aime vraiment les lettres et ceux qui les cultivent. Ah! Sire, que ces lettres infortunées ont besoin de conserver longtemps un protecteur tel que vous! Il y a longtemps, à dater du ministère du cardinal de Fleury, et même de plus loin, qu'elles sont en France sans encouragement et sans considération. Aujourd'hui on fait plus, on les hait, et il n'y a pas un homme en place qui ne soit leur ennemi secret ou déclaré. V. M., qui a eu la bonté de me marquer sa satisfaction de ma nouvelle et très-mince dignité de secrétaire de l'Académie française, ne peut pas s'imaginer toutes les intrigues qu'on a fait jouer pour m'en écarter. Il s'en faut


a De la félicité publique, ou considérations sur le sort des hommes dans les différentes époques de l'histoire. Amsterdam, 1772, deux volumes in-8.