<66>Adieu, encore une fois, cher Voltaire; n'oubliez pas les absents qui vous aiment.

160. DE VOLTAIRE.

Dans un vaisseau, sur les côtes de Zélande, où j'enrage, ce dernier décembre 1740.



Sire,

Vous en souviendrez-vous, grand homme que vous êtes,
De ce fils d'Apollon qui vint au mont Rémus,
Amateur malheureux de vos belles retraites,
Mais heureux courtisan de vos seules vertus?

Vous en souviendrez-vous aux champs de Silésie,
Tant de projets en tête, et la foudre à la main,
Quand l'Europe en suspens, d'étonnement saisie,
Attend de mon héros les arrêts du destin?

On applaudit, on blâme, on s'alarme, on espère;
L'Autriche va se perdre, ou se mettre en vos bras;
Le Batave incertain, les Anglais en colère,
Et la France attentive, observent tous vos pas.

Prêt à le raffermir, vous ébranlez l'Empire;
C'est à vous seul ou d'être ou de faire un César.
La gloire et la prudence attellent votre char;
On murmure, on vous craint; mais chacun vous admire.

Vous qui vous étonnez de ce coup imprévu,
Connaissez le héros qui s'arme pour la guerre;
Il accordait sa lyre en lançant le tonnerre;
Il ébranlait le monde, et n'était pas ému.

Sire, je ne peux poursuivre sur ce ton; les vents contraires et les glaces morfondent l'imagination de votre serviteur; je n'ai pas l'hon-