<67>neur de ressembler à V. M. : elle affronte les tempêtes sur terre, je ne les supporte sur aucun élément. Peut-être resterai-je quelque temps sur le sein d'Amphitrite. Vous aurez, Sire, tout le temps de changer la face de l'Europe avant mon arrivée à Bruxelles. Puisse-je y trouver les nouvelles de vos succès, et surtout de vos vers! Je suis très-respectueusement attaché à Frédéric le héros; mais j'aime bien l'homme charmant qui, après avoir travaillé tout le jour en roi, fait, le soir, les plus jolis vers du monde pour se délasser. Le hasard m'a fait prendre dans mon vaisseau un capitaine suisse qui revient de Stockholm, d'auprès du roi de Suède. Nous avons quitté nos rois l'un et l'autre; mais j'ai plus perdu que lui; il n'est pas aussi édifié de la cour de Suède que je le suis de celle de V. M. Il avait fait le voyage de Stockholm pour présider à l'éducation de deux petits bâtards que le roi de Hesse, premier sénateur de Suède, prétend avoir faits à madame de Taube; le capitaine jure que ces deux petits garçons appartiennent à un jeune officier, nommé Mingen,a auquel ils ressemblent comme deux gouttes d'eau. Cependant le Roi s'est séparé de madame de Taube en pleurant, comme Henri IV quand il quitta la belle Gabrielle; et le capitaine suisse a quitté le Roi, madame de Taube, les petits garçons, et Mingen leur père, sans pleurer.

Il n'en est pas ainsi de moi; je regrette mon roi, et le regretterai sur terre, comme au milieu des glaçons et du royaume des vents. Le ciel me punit bien de l'avoir quitté; mais qu'il me rende la justice de croire que ce n'est pas pour mon plaisir.

J'abandonne un grand monarque qui cultive et qui honore un art que j'idolâtre, et je vais trouver quelqu'un qui ne lit que Christianus Wolffus. Je m'arrache à la plus aimable cour de l'Europe pour un procès.

Un ridicule amour n'embrase point mon âme,
Cythère n'est point mon séjour,


a Le baron Horn af Åminne.