<226>Je me gausse des saints, et ris de leurs reliques,
Je plains l'aveuglement des querelles mystiques,
Bavardage idiot, futile jeu de mots
D'imposteurs révérés, pour abuser les sots.
Le cerveau tout rempli de leur saint brigandage,
Je reçois, cher marquis, votre élégant ouvrage.
Un plus sage que moi n'aurait pu différer
De se jeter dessus et de le dévorer;
Mais mon esprit, tout plein de bulles, de vigiles,
De docteurs, de martyrs, d'interdits, de conciles,
De ce fatras inepte, indigne et mensonger,
Doit, marquis, pour vous lire, avant tout se purger.
Attendez, s'il vous plaît, que ces folles chimères,
Sortant de mon cerveau, dégagent ses viscères,
Et que mon esprit, pur et net de ces erreurs,
Se prépare à se joindre à vos admirateurs.
Avant que l'Orion annonce la froidure,
Suspende les torrents et glace la nature,
En lecteur diligent, au métier aguerri,
J'aurai, n'en doutez point, expédié Fleury,
Alors, en renonçant à la théologie,
Je me vouerai, marquis, à la philosophie,
Et retrouvant en vous la belle antiquité,
J'irai dans votre sein puiser la vérité.
Nous examinerons la nature des choses,
Remontant par degrés à leurs premières causes;
Nous verrons avec Lock combien sur notre corps
La mécanique influe et règle ses ressorts,
Et comment notre esprit, si fier dans sa carrière,
N'est qu'un effet brillant des lois de la matière.
Mais, hélas! cher marquis, pour remplir ces projets,
Il faut voir refleurir l'olive de la paix;
Les Muses, on le sait, redoutent les alarmes,
Leur chaste troupe fuit le tumulte des armes.
Si leur temple s'entr'ouvre au désir des héros,
C'est dans des jours sereins, à l'ombre du repos;