<164>Et des javelles que sans frais
Amassait une main guerrière
Nous offraient leur douce litière;
La terre portait notre faix,
Et des cieux l'immense carrière
De notre lit formait le dais.
Là, quinze jours, et plus encore,
Nous vîmes la naissante Aurore,
A sa toilette le matin,
De vermillon hausser son teint,
Se parer de ses émeraudes,
De ses rubis, montés aux modes
Qui de Paris vont à Berlin.
De même, vers le crépuscule,
Tant que dura la canicule,
On nous vit, sans nous relâcher,
Assister au petit coucher
De Phébus, qui chez Amphitrite
Toutes les nuits fait sa visite.
Enfin, par un heureux hasard,
Ou bien quel qu'en soit le principe,
Des bataillons l'épais brouillard
En moins d'un clin d'œil se dissipe.
Où sont ces hommes qu'ont vomis
Les bords glacés du Tanaïs,
Les marais empestés du Phase,
Ou les cavernes du Caucase?
Je n'aperçois plus d'ennemis.
Non, non, ils n'ont point de scrupule,
Ils vont fuyant vers la Vistule,
Pour cacher la honte et l'affront
Dont on a fait rougir leur front.
Qu'ils retournent dans leur repaire,
Chez les farouches animaux,
Et qu'ils déchargent leur colère
Sur cette engeance sanguinaire,
De tigres, d'ours, de lionceaux.