<121>Par cent objets fâcheux vient occuper sa vue.
A ses regards surpris quel odieux coup d'œil!
Elle voit le faux dieu5 créé par son orgueil,
Ce monstre qu'engendra sa haine dévorante
Au sacrilége sein de la discorde ardente,
Dont les membres divers sont autant de tyrans
Prêts à se déchirer pour leurs vains différends,
Qui, prompts à la servir, prompts à tomber sur elle,
Sont l'appui dangereux de sa triste querelle.
Elle-même s'étonne en trouvant en tous lieux
Les effets qu'ont produits ses transports odieux,
Terribles monuments de cruauté, de rage,
D'un orgueil insensé trop déplorable ouvrage,
De la Vistule au Rhin cent pays désolés,
Leurs murs encor fumants, leurs peuples immolés,
Toute l'horreur qui suit une infernale guerre :
C'est elle enfin qui ravagea la terre.
Hélas! on ne sent point dans son égarement
Jusqu'où peut entraîner un fougueux sentiment;
Elle-même en rougit, elle a peine à le croire;
Voltaire effacera ce trait de son histoire,
Et son roi, dégoûté d'inutiles forfaits,
Las de tant d'embarras, respirera la paix.
Cette paix lui devient utile et nécessaire :
Ses peuples opprimés périssent de misère,
Ses trésors par l'Autriche ont été épuisés.
Ses héros par l'Anglais vaincus ou dispersés,
Ses vaisseaux, souverains d'Éole et de Neptune,
Échoués ou battus, maudissent leur fortune.
Un vaste État, fondé dans un climat lointain,
Qui portait pour tribut du bord américain
Ces poissons recherchés du zèle apostolique,
D'abstinence et de jeûne aliment catholique,
Ce Canada, conquis par ses fiers ennemis,
Aux hérétiques mains des Bretons est soumis.
La France sans trésors, sans vaisseaux, sans système,


5 Le triumvirat. [Voyez ci-dessus, p. 100 et 103.]