<233>De ses atours sitôt la décora.
Il ajusta dessus sa tête impure
D'affreux serpents la hideuse coiffure;
Il la couvrit d'un manteau teint de sang,
Arma son bras de son tison brûlant,
Mit dans ses yeux, de sa fournaise ardente,
De gros charbons la flamme étincelante;
Dedans sa gueule il versa ses poisons;
Il la doua d'horreur et d'épouvante,
D'acharnement, de haine violente,
De ses fureurs et de mortels frissons.
Sous cet auspice aux humains redoutable,
L'enfer vomit ce monstre abominable;
Dans l'univers vint la fille du diable,
En secouant dans ses mains ses tisons.
Alors Satan avec tous ses démons
S'en retourna; l'un dans de grands chaudrons
Faisait bouillir maudits à cœurs de roche,
L'autre, en un coin, en rôtit à la broche;
Là, par les pieds pendent des moribonds,
Ici, plus loin, à d'infernaux brandons,
On en voyait brûler comme une torche;
Là, tout vivants, des damnés l'on écorche;
Là, Belzébuth, au supplice animé,
Battait maudits de son fouet enflammé;
Et sans leurs corps, ces singulières âmes
Souffraient pourtant des tourments corporels,
Comme bois sec se brûlaient dans les flammes,
Et gémissaient sous leurs bourreaux cruels.
Mais la Discorde ardente et sanguinaire,
Qui parcourait notre triste hémisphère,
Sur son chemin, de son souffle empesté,
Otait aux champs leur heureuse abondance,
Dedans son germe étouffait la semence,
Dans les troupeaux met la mortalité.
Ce monstre semble ébranler la nature;
Le firmament pâlit de cette injure.