<11>Tu chantas les héros; ton sublime génie,
En son immensité bienfaisant et fécond,
Relevant leurs exploits, embellissant leur vie,
Les fit tout ce qu'ils sont.

Auguste doit sa gloire à la lyre d'Horace,
Virgile lui voua ses nobles fictions;
Séduits par leurs beaux vers, les mortels lui font grâce
De ses proscriptions.

Tandis qu'appesantis, vaincus par la matière,
Les vulgaires humains, abrutis, fainéants,
Végètent sans penser, et n'ouvrent la paupière
Que par l'instinct des sens;

Tandis que des auteurs l'éloquence déchue
Croassea dans la fange au pied de l'Hélicon,
Se déchire en serpent, ou se traîne en tortue
Loin des pas d'Apollon :

O toi, fils de ce dieu, toi, nourrisson des Grâces,
Tu prends ton vol aux cieux qu'habitent les neuf Sœurs,
Et l'on voit tour à tour renaître sur tes traces
Et des fruits et des fleurs.

Tes vers harmonieux, élégants, sans parure,
Loin de l'art pédantesque en leur simplicité,
Enfants du dieu du goût, enfants de la nature,
Prêchent la volupté.


a Les éditeurs de 1789 ont adopté la leçon coasse, qui est préférable, puisqu'il est fait allusion à des grenouilles, et non à des corbeaux. Cependant nous avons cru devoir conserver le mot croasse, parce qu'il se trouve dans toutes les éditions originales, celles de 1752, de 1760 et de 1762, ainsi que dans la lettre autographe du Roi au comte Algarotti, du 26 mai 1754.