<334> certaine ivresse m'a saisi, et m'a entraîné au delà des bornes que je devais me prescrire. Voilà, madame, ce qui peut arriver à tous ceux qui auront l'honneur de vous écrire; vos bontés et votre indulgence enhardissent le quidam, qui sort imperceptiblement de sa modestie naturelle, et dégoise ce qu'il sait et qu'il ne sait pas. Toutes les fois que V. A. R. aura la bonté de m'adresser de ses lettres, je me dirai : Souviens-toi que tu es un obscur habitant des bords de la Baltique, que tu végètes dans le pays des Obotrites, et que tu descends de ces peuples auxquels Charlemagne apprit leur catéchisme à coups de bâton. Cette petite récapitulation peut humilier celui qui la fait, et résister aux enchantements des choses trop obligeantes que V. A. R. daigne me dire.

On m'écrit de Paris que les jésuites se reforment en corps, et que, avec quelques modifications, ils pourront sourdement propager leur ordre. J'en fais mes compliments au confesseur de V. A. R., comme au digne fils de saint Ignace. On voit qu'il ne faut désespérer de rien, et que quiconque sait gagner du temps trouve tôt ou tard le moyen de reparaître.

Il a passé ici un maître de chapelle de Dresde qui va en Suède pour y former une chapelle. Voilà les beaux-arts qui voyagent vers le Nord. Je n'ai pu voir le musicien, j'en fus empêché par une indisposition; sans cela je lui aurais parlé sûrement, pour lui demander des nouvelles de V. A. R. Puisse-t-elle jouir d'une santé inaltérable et jouir de toutes les bénédictions terrestres! Ce sont les vœux de celui qui est avec la plus haute considération, etc.