<373> fera toujours effet. Notre paix et notre alliance avec la Russie, admirables d'un côté, ont causé d'un autre quelque altération dans les bonnes dispositions où étaient les Orientaux; reste à savoir si nos ennemis n'en profiteront pas. Toute la politique, mon cher marquis, est appuyée sur un pivot mobile, et l'on ne peut compter sur rien avec certitude; c'est ce qui m'en dégoûte prodigieusement. Les calamités des années passées, la ruine de la plupart des provinces, jointe à toutes sortes de malheurs qui me sont arrivés, m'ont rendu plus philosophe ou plus indifférent sur toutes les choses humaines que Socrate ne pouvait l'être; je parviendrai bientôt à une quiétude parfaite. Il est temps, mon cher marquis, que cette guerre finisse; je ne vaux plus rien, mon feu s'éteint, mes forces m'abandonnent, je ne fais plus que végéter; avec cela on peut encore servir d'ornement à la laure d'un cénobite, mais on n'est plus propre au monde.

Le prince Ferdinand a remporté un avantage considérable sur les Français; j'en suis bien aise. J'aurais désiré que l'affaire eût été plus décisive. Quatre mille hommes de quatre-vingt mille, reste soixante-seize mille; c'est plus qu'il n'en faut pour le prince Ferdinand, qui n'en a que cinquante mille au plus à leur opposer; mais cela lui fait gagner du temps, et cet échec décourage un Soubise, un des plus médiocres généraux qu'aient eus les Français. Mon pauvre margrave Charles est mort;a j'en suis sensiblement affligé; c'était bien le plus honnête homme du monde. Il faut que nous allions tous là-bas le rejoindre; un peu plus tôt, un peu plus tard, c'est la même chose. Adieu, mon cher marquis; écrivez-moi quelquefois, et soyez persuadé de mon amitié.


a A Breslau. le 22 juin. Voyez t. II, p. 85. t. III. p. 63 et 117-119, et t. IV. p. 246.