<70> Voyez après cela si je ne suis pas chrétien, et si je ne souhaite pas tout le bien à des personnes qui me causent tous mes chagrins. J'avoue que je suis moi-même surpris de cet effort de générosité, et que je ne puis comprendre comme l'on peut être si bon.

A propos, monsieur, j'ai eu hier des huîtres fraîches, des buttes, des chapons gras, et j'ai fait un repas de Hambourg. J'ai pensé plus de vingt fois à vous, et j'avoue que j'ai eu une démangeaison extrême de vous avoir de la partie. Or, ceci ne sont point des compliments, et je vous dirai la clef à quoi vous pouvez connaître quand c'est vrai ou compliment : quand c'est vrai, alors ce que je dis paraît naturel, et est écrit sans contrainte; mais quand c'est cérémonie, alors je fais un grand galimatias de phébus et de compliments, selon les modèles ordinaires. Je sais que vous êtes un peu soupçonneux; c'est pourquoi je vous préviens, et je vous prie de croire que, quand je vous dis que je vous aime de tout mon cœur, que c'est bien sincèrement, avec bien de l'estime, étant votre parfait, constant et fidèle ami et serviteur,

Frederic.

19. AU MÊME.

Ruppin, 3 octobre 1732.



Monseigneur mon très-cher ami,

Je suis dans le plus grand embarras du monde, ayant reçu un ordre du Roi de faire le Pacht-Anschlag vom Amt Ruppin. A vous dire le vrai, je n'en sais pas assez pour faire cela tout seul. C'est pourquoi je vous prie de me tirer de cet embarras en m'envoyant un homme qui sait faire un Anschlag. Vous ne sauriez m'obliger davantage, car je suis dans de terribles peines; je vous prie donc de m'en tirer, et