<11> Apollon se réveille, et qu'il prend à présent soin de purger le Parnasse des mauvaises productions faites par de chétifs poëtes. Je crois que cela lui doit aller fort bien quand, avec une grande chambrière, il se met à chasser ces monstres poétiques. Comme je suis du nombre de ceux qu'il a étrillés, je puis, madame, vous en donner des nouvelles. J'assure que, à le voir, il était l'ébauche vivante d'un de ces gens qui chassent les chiens des églises. Ce n'est pas par rancune que je lui donne cette épithète, quoique, en quelque façon, j'aie lieu d'en avoir, car mes intentions, depuis que je me mêle de la poétique, ont été, pour l'ordinaire, de priser la beauté des dames, d'y mêler un peu de tendre, et je crois que cette matière fait que l'on a beaucoup de support pour la rime. Soit ce qu'il en soit, je lui pardonne les coups et tout. Mais comme la récompense du bien accompagne toujours la punition du mal, je suis persuadé, madame, que les beaux progrès que vous avez faits dans ce même art ne resteront pas sans être récompensés. Je suis, de plus, persuadé que les doctes Sœurs vous adopteront pour dixième. Gare seulement que vous ne leur donniez trop de jalousie, car si elles avaient l'honneur de vous connaître comme je l'ai, votre esprit, votre mérite, votre beauté, qui les surpasse de beaucoup, serait l'unique raison qui pourrait altérer ce projet. En cas que vous profitiez de leur ignorance, je vous supplierais, madame, de faire des remontrances au sieur Apollon de ses manières d'agir. Dites-lui, s'il vous plaît, qu'il ne sied pas bien à un directeur des arts et des sciences de maltraiter une personne d'honneur, et que ses coups de gaule n'étaient point du tout polis. Je lui suggérerais volontiers un moyen de me punir dorénavant de laçon qui ne me fera aucune peine, ni à tout autre poëte. Qu'il crée un ordre de chevalerie; il pourra les nommer chevaliers de la Mauvaise Rime. En nous en donnant les insignes, il dépendra de lui de nous étriller comme bon lui semblera, et l'honneur de la chevalerie nous fera endurer les coups patiemment. J'ai la confiance en vous, madame, que