<223>à son existence animale. Si l'estomac ralentissait son mouvement péristaltique, si les boyaux ne renforçaient leur mouvement vermiculaire, les poumons leur aspiration, le cœur sa diastole et sa systole, si enfin chaque soupape des artères ne s'ouvrait et ne se fermait selon les besoins de la circulation du sang, si les sucs nerveux ne se portaient aux parties de la contraction nécessaire au mouvement, le corps tomberait en langueur, il dépérirait insensiblement, et l'inactivité de ses parties occasionnerait sa destruction totale. Ce corps, c'est l'État; ses membres, c'est vous et tous les citoyens qui lui appartiennent. Vous voyez donc qu'il faut que chaque individu remplisse sa tâche pour que la masse générale prospère. Dès lors que devient cette heureuse indépendance dont vous vous faites le panégyriste, si ce n'est qu'elle vous rend un membre paralytique du corps auquel vous appartenez? Observez encore, s'il vous plaît, que votre philosophe confond les idées les plus claires : il recommande la paresse et la fainéantise, comme si c'étaient des vertus; mais tout le monde convient que ce sont des vices. Est-il digne d'un philosophe de nous exciter à perdre le temps, qui est ce que nous avons de plus précieux, qui fuit toujours, et qui ne revient jamais? Faut-il nous encourager à nous abandonner à l'oisiveté, à négliger nos devoirs, à devenir inutiles à tout le monde et à charge à nous-mêmes? Un ancien proverbe dit : L'oisiveté est la mère de tous les vices; on pourrait y ajouter : et le travail est le père des vertus Ceci est une vérité constante, attestée par l'expérience de tous les temps et de tous les lieux.

En voilà, je crois, assez pour Épicure; reste à examiner maintenant vos propres opinions. Condamnez les ambitieux, j'y consens; censurez les avares, j'y souscris; mais faut-il pour cela que des idées mal digérées et des préjugés pitoyables vous induisent à refuser vos soins pour contribuer comme tous les autres citoyens à l'utilité publique? Vous possédez tous les matériaux propres pour un tel ouvrage, l'esprit, la droiture, les talents; et puisque la nature ne vous a rien refusé de ce qui peut vous donner de la réputation, vous êtes inexcusable, si vous laissez inutiles les faveurs dont elle vous a comblé. Vous exaltez votre indépendance, votre prétendue royauté, et cette liberté dont