<222>sont cités pour servir d'exemple à la postérité, et laissent un souvenir qui ne périt jamais. Dans laquelle de ces trois classes voulez-vous être compris? Sans doute dans la dernière.

Après avoir détruit tant de faux raisonnements, vous ne devez vraiment pas vous attendre que votre Épicure, tout Grec qu'il est, m'en impose. Agréez que pour le réfuter solidement je commente ses propres paroles. « Le sage ne doit se mêler ni d'affaires ni de gouvernement. » Oui, s'il habite une île déserte. « Son âme impassible ne doit être exposée à aucune passion, ni à la mauvaise humeur, ni à la jalousie, ni à la colère. » Voilà donc Épicure, le docteur de la volupté, qui recommande l'impassibilité stoïque. Ce n'était pas ce qu'il devait dire, c'était tout le contraire. Le plus noble effort du sage ne consiste pas à éviter les occasions, mais, quand elles se présentent, à conserver la tranquillité de son âme dans des moments où tout ce qui l'environne soulève et irrite ces différentes passions. Un pilote n'a point de mérite à conduire son vaisseau quand la mer est calme; il en a beaucoup lorsque, après avoir été ballotté longtemps par des ouragans et des vents contraires, il conduit heureusement son navire dans le port. Personne ne fait attention aux choses aisées et faciles, il n'y a que les difficultés vaincues dont on vous tienne compte. « Il vaut donc bien mieux laisser aller le monde comme il va, et ne penser qu'à soi-même. » Ah! monsieur Épicure, sont-ce là des sentiments dignes d'un philosophe? La première chose à laquelle vous devriez penser, n'est-ce pas le bien de l'humanité? Vous osez annoncer qu'un chacun ne doit aimer que soi-même! Un homme qui par malheur suivrait vos maximes ne serait-il pas détesté universellement et avec raison? Si je n'aime personne, comment puis-je prétendre qu'on m'aime? Ne comprenez-vous pas qu'on m'envisagera comme un monstre dangereux, dont il est loisible de se défaire pour maintenir la sûreté publique? Et si l'amitié disparaît, quelle consolation reste-t-il à notre pauvre espèce? Recourons à une allégorie pour nous expliquer plus intelligiblement; comparons un État quelconque avec le corps humain. C'est de l'activité et du concours unanime de toutes ses parties que résultent sa santé, sa force et sa vigueur; les veines, les artères et jusqu'aux nerfs les plus déliés coopèrent