<160>Beaucoup de princes ont été engagés dans les guerres de leurs alliés par des traités en conséquence desquels ils ont été obligés de leur fournir un nombre de troupes auxiliaires. Comme les souverains ne sauraient se passer d'alliances, puisqu'il n'y en a aucun en Europe qui puisse se soutenir par ses propres forces, ils s'engagent à se donner un secours mutuel en cas de besoin; ce qui contribue à leur sûreté, à leur conservation. L'événement décide lequel des alliés retire les fruits de l'alliance, une heureuse occasion favorise une des parties en un temps, une conjoncture favorable seconde l'autre partie contractante dans un temps différent. L'honnêteté et la sagesse du monde exigent donc également la foi des princes, qu'ils observent religieusement la foi des traités, et qu'ils les accomplissent même avec scrupule; d'autant plus que, par les alliances, ils rendent leur protection plus efficace à leurs peuples.

Toutes les guerres donc qui n'auront pour but que de repousser les usurpateurs, de maintenir des droits légitimes, de garantir la liberté de l'univers, et d'éviter les oppressions et les violences des ambitieux, seront conformes à la justice. Les souverains qui en entreprennent de pareilles n'ont point à se reprocher le sang répandu : la nécessité les fait agir; et dans de pareilles circonstances, la guerre est un moindre malheur que la paix.

Ce sujet me conduit naturellement à parler des princes qui, par un négoce inouï dans l'antiquité, trafiquent du sang de leurs peuples; leur cour est comme un encan où leurs troupes sont vendues à ceux qui offrent le plus de subsides.a

L'institution du soldat est pour la défense de la patrie; les louer à d'autres, comme on vend des dogues et des taureaux pour le combat, c'est, ce me semble, pervertir à la fois le but du négoce et de la guerre. On dit qu'il n'est pas permis de vendre les choses saintes : eh! qu'y a-t-il de plus sacré que le sang des hommes?

Pour les guerres de religion, si ce sont des guerres civiles, elles sont presque toujours la suite de l'imprudence du souverain, qui a mal à propos favorisé une secte aux dépens d'une autre, qui a trop resserré ou trop étendu l'exercice public de certaines


a Voyez t. VI, p. 132.