<159>yeux, et leur peignent avec des couleurs avantageuses les actions les plus violentes. La guerre est une ressource dans l'extrémité; ainsi il ne faut s'en servir qu'avec précaution et dans des cas désespérés, et bien examiner si l'on y est porté par une illusion d'orgueil ou par une raison solide et indispensable.

Il y a des guerres défensives, et ce sont sans contredit les plus justes.

Il y a des guerres d'intérêt, que les rois sont obligés de faire pour maintenir eux-mêmes les droits qu'on leur conteste; ils plaident, les armes à la main, et les combats décident de la validité de leurs raisons.

Il y a des guerres de précaution, que les princes font sagement d'entreprendre. Elles sont offensives, à la vérité, mais elles n'en sont pas moins justes. Lorsque la grandeur excessive d'une puissance semble prête à se déborder, et menace d'engloutir l'univers, il est de la prudence de lui opposer des digues, et d'arrêter le cours orageux d'un torrent, lors encore qu'on en est le maître. On voit des nuages qui s'assemblent, un orage qui se forme, les éclairs qui l'annoncent; et ce souverain que ce danger menace, ne pouvant tout seul conjurer la tempête, se réunira, s'il est sage, avec tous ceux que le même péril met dans les mêmes intérêts. Si les rois d'Égypte, de Syrie, de Macédoine se fussent ligués contre la puissance romaine, jamais elle n'aurait pu bouleverser ces empires; une alliance sagement concertée et une guerre vivement entreprise aurait fait avorter ces desseins ambitieux dont l'accomplissement enchaîna l'univers.

Il est de la prudence de préférer les moindres maux aux plus grands, ainsi que de choisir le parti le plus sûr à l'exclusion de celui qui est incertain. Il vaut donc mieux qu'un prince s'engage dans une guerre offensive lorsqu'il est le maître d'opter entre la branche d'olive et la branche de laurier, que s'il attendait à des temps désespérés où une déclaration de guerre ne pourrait retarder que de quelques moments son esclavage et sa ruine. C'est une maxime certaine qu'il vaut mieux prévenir que d'être prévenu; les grands hommes s'en sont toujours bien trouvés, en faisant usage de leurs forces avant que leurs ennemis aient pris des arrangements capables de leur lier les mains et de détruire leur pouvoir.