<109>daient dans les bois, à la poursuite des bêtes, les moments qu'ils n'avaient ni la capacité ni l'esprit de passer en compagnie de personnes raisonnables.

Je demande si ce sont des exemples à imiter, si la grossièreté doit instruire la politesse, ou si ce n'est pas plutôt aux siècles éclairés à servir de modèle aux autres.

Qu'Adam ait reçu l'empire sur les bêtes, ou non, c'est ce que je ne recherche pas; mais je sais bien que nous sommes plus cruels et plus rapaces que les bêtes mêmes, et que nous usons très-tyranniquement de ce prétendu empire. Si quelque chose devait nous donner de l'avantage sur les animaux, c'est assurément notre raison; et ceux, pour l'ordinaire, qui font profession de la chasse, n'ont leur cervelle meublée que de chevaux, de chiens et de toute sorte d'animaux. Ils sont quelquefois très-grossiers, et il est à craindre qu'ils deviennent aussi inhumains envers les hommes qu'ils le sont à l'égard des bêtes, ou que du moins la cruelle coutume de faire souffrir avec indifférence ne les rende moins compatissants aux malheurs de leurs semblables. Est-ce là ce plaisir dont on nous vante tant la noblesse? Est-ce là cette occupation si digne d'un être pensant?

On m'objectera que la chasse est salutaire à la santé; que l'expérience a fait voir que ceux qui chassent deviennent vieux; que c'est un plaisir innocent et qui convient aux grands seigneurs, puisqu'il étale leur magnificence, puisqu'il dissipe leurs chagrins, et qu'en temps de paix il leur présente les images de la guerre.

Je suis bien éloigné de condamner un exercice modéré; mais qu'on y prenne garde, l'exercice n'est nécessaire qu'aux intempérants. Il n'y a point de prince qui ait vécu plus que le cardinal de Fleury, ou le cardinal de Ximénès et le dernier pape; cependant ces trois hommes n'étaient point chasseurs. Faut-il, d'ailleurs, choisir la profession qui n'a de mérite que celui de promettre une longue vie? Les moines vivent, d'ordinaire, plus longtemps que les autres hommes : faut-il pour cela se faire moine?

Il ne s'agit point qu'un homme traîne jusqu'à l'âge de Mathusalem le fil indolent et inutile de ses jours; mais plus il aura réfléchi, plus il aura fait d'actions belles et utiles, et plus il aura vécu.

D'ailleurs, la chasse est de tous les amusements celui qui con-