<264>coup plus d'honneur que je ne méritais. Je continuerai, si l'on m'en parle encore, à répondre de même, parce que, dans ces circonstances, les réponses les plus simples sont les meilleures. Ainsi, monsieur, vous pouvez assurer S. M. que son secret sera inviolable; je le respecte autant que sa personne, et mes amis ignoreront toujours le sacrifice que je leur fais. J'ai l'honneur d'être, etc.

3. LE MARQUIS D'ARGENS A D'ALEMBERT.

Potsdam, 20 octobre 1752.

J'ai montré, monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, au Roi; elle a accru la bonne opinion que S. M. avait de votre caractère, et elle a augmenté par conséquent l'envie qu'elle a de vous avoir à son service. Le Roi m'a chargé, monsieur, de vous écrire de nouveau de sa part, et de répondre aux difficultés que vous croyez insurmontables, et qui, à vous dire vrai, ne me paraissent pas aussi grandes que vous le pensez.

La santé de M. de Maupertuis, malgré ce qu'on peut en avoir écrit à Paris, est toujours plus mauvaise. Il veut aller en France; mais il n'ose partir, car il sent bien qu'il n'aura pas la force d'achever son voyage. Supposons que par un hasard inespéré il vint à se rétablir, vous serez auprès du Roi avec douze mille livres de pension; vous aurez un logement dans le château de Potsdam, et vous serez désigné à la présidence de l'Académie. Il n'y a rien dans tout cela à quoi M. de Maupertuis puisse trouver à redire, et c'est, en vérité, porter votre délicatesse trop loin. D'ailleurs, le Roi m'a assuré que M. de Maupertuis serait charmé de son choix.

Quant aux ennemis que vous craignez que votre poste ne vous fasse dans ce pays, soyez persuadé que vous n'y aurez que des admirateurs parmi les honnêtes gens; les autres seront trop heureux de dissimuler, et de rechercher votre amitié. Les bontés dont le Roi vous honorera seront trop marquées pour que vous ayez rien à redouter des cabales, qui d'ailleurs ne font pas ici fortune.

Si vous passiez à Londres ou à Vienne, vous pourriez craindre qu'on ne vous accusât d'avoir manqué à votre patrie; mais vous venez chez le premier et le plus intime allié de notre nation, chez un roi qui l'aime, et qui a déjà attiré auprès de lui plusieurs de vos amis et de vos compatriotes.