<256>tion. Je me prépare aussi à une entreprise bien hasardeuse et bien difficile; mais vous n'en serez instruit qu'après l'essai que j'aurai fait de mes forces.

Pour mon malheur, le Roi va ce printemps en Prusse, où je l'accompagnerai; le destin veut que nous jouions aux barres; et, malgré tout ce que je puis m'imaginer, je ne prévois pas encore comme nous pourrons nous voir. Ce sera toujours trop tard pour mes souhaits; vous en êtes bien convaincu, à ce que j'espère, comme de tous les sentiments avec lesquels je suis, mon cher ami, etc.

74. DE VOLTAIRE.

Cirey, 18 janvier 1739.

Monseigneur, Votre Altesse Royale est plus Frédéric et plus Marc-Aurèle que jamais. Les choses agréables partent de votre plume avec une facilité qui m'étonne toujours. Votre instruction pastorale est du plus digne évêque. Vous montrez bien que ceux qui sont destinés à être rois sont en effet les oints du Seigneur. Votre catéchisme est toujours celui de la raison et du bonheur. Heureuses vos ouailles, monseigneur! le troupeau de Cirey reçoit vos paroles avec la plus grande édification.

V. A. R. me conseille, c'est-à-dire, m'ordonne de finir l'Histoire du Siècle de Louis XIV. J'obéirai, et je tâcherai même de l'éclaircir avec un ménagement qui n'ôtera rien à la vérité, mais qui ne la rendra pas odieuse. Mon grand but, après tout, n'est pas l'histoire politique et militaire; c'est celle des arts, du commerce, de la police, en un mot, de l'esprit humain. Dans tout cela il n'y a point de vérité dangereuse. Je ne crois donc pas devoir m'interdire une carrière si grande et si sûre, parce qu'il y a un petit chemin où je peux broncher; ce qui est entre les mains de V. A. R. ne sera jamais que pour elle. Le vulgaire n'est pas fait pour être servi comme mon prince.