<255>La marquise aura cet avantage que sa beauté et son sexe donnent sur le nôtre, lorsqu'il s'agit de persuader.

Son esprit persuadera
Que le profond Newton en tout est véritable;
Mais son regard nous convaincra
D'une autre vérité plus claire et plus palpable;
En la voyant, on sentira
Tout ce que fait sentir un objet adorable.

Si les Grâces présidaient à l'Académie, elles n'auraient pas manqué de couronner l'ouvrage de leurs mains. Il paraît bien que messieurs de l'Académie, trop attachés à l'usage et à la coutume, n'aiment point les nouveautés, par la crainte qu'ils ont d'étudier ce qu'ils ne savent qu'imparfaitement. Je me représente un vieil académicien qui, après avoir vieilli sous le harnois de Des Cartes, voit, dans la décrépitude de sa course, s'élever une nouvelle opinion. Cet homme connaît par habitude les articles de la foi philosophique;a il est accoutumé à sa façon de penser, il s'en contente, et il voudrait que tout le monde en fît autant. Quoi! voudrait-on redevenir disciple à l'âge de cinquante, de soixante ans, et être exposé à la honte d'étudier soi-même après avoir si longtemps enseigné aux autres, et, d'un grand flambeau qu'on croit être, ne devenir qu'une faible lumière, ou plutôt s'obscurcir tout à fait? Ce n'est pas ainsi qu'on l'entend. Il est plus court de décrier un nouveau système que de l'approfondir. Il y a même de la fermeté héroïque de s'opposer aux nouveautés en tous genres, et à soutenir les anciennes opinions. Un autre ordre d'esprits raisonne d'une autre manière. Ils disent dans leur simplicité : Telle opinion fut celle de nos pères; pourquoi ne serait-elle pas la nôtre? Valons-nous mieux qu'ils ne valaient? N'ont-ils pas été heureux en suivant les sentiments d'Aristote et de Des Cartes? Pourquoi nous romprions-nous la tête à étudier les sentiments des novateurs? Ces sortes d'esprits s'opposeront toujours aux progrès des connaissances; aussi n'est-il pas étonnant qu'elles en fassent si peu.

Dès que je serai de retour à Remusberg, j'irai me jeter tête baissée dans la physique; c'est la marquise à qui j'en ai l'obliga-


a De sa foi philosophique. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 35.)