<182>Profitons mieux de cette courte vie.
Sans tant d'apprêts on trouve le bonheur;
Il se présente, il s'offre, il nous convie
A savourer sa divine douceur.
Il ne gît point au sein de la grandeur,
Séjour mêlé d'inconstance et d'envie;
Mais chacun peut le trouver dans son cœur.
Heureux celui qui vit loin de la foule,
Qui sait borner ses immenses désirs,
Et sans excès admet tous les plaisirs!
D'un cours égal et doux son temps s'écoule
Loin de l'éclat qui suit Sémiramis;
S'il ne jouit d'un aussi pompeux songe,
Il est exempt du remords qui la ronge,
Il vit en paix avec de vrais amis.
O jours charmants! aimable solitude,
Où l'amitié rend les états égaux!
C'est là que, loin de toute servitude,
La liberté fait naître les bons mots.
O mes amis! que toujours la sagesse
Dans ce séjour de folie et d'ivresse
Puisse guider vos desseins et vos pas!
Sachez dompter l'attrait de la mollesse
Et de l'orgueil les superbes appas.
Vous irez tous un jour loger là-bas,
Où sont reclus les Caton, les Émile,
Les Cicéron, les Trajan, les Virgile.
L'ambitieux s'y jette avec fracas
Pour qu'à sa mort son nom se fasse entendre;
Le sage doit, dégagé d'embarras,
Et sans regrets, doucement y descendre.

(1769.)