<158>Nous ne laissions cependant pas de cheminer en avant. Enfin, nous arrivâmes en cet endroit

Où la garnison, troupe flasque,
Se rendit si piteusement
Après la première bourrasque
Du canon français foudroyant.

Vous reconnaissez sans doute Kehl à cette description. Ce fut à cette belle forteresse, dont, par parenthèse, les brèches ne sont point réparées, que le maître des postes, homme plus prévoyant que nous autres, nous demanda si nous étions munis de passe-ports.

Non, lui dis-je, des passe-ports
Nous n'eûmes jamais la folie.
Il en faudrait, je crois, de forts
Pour ressusciter à la vie
De chez Pluton le roi des morts;
Mais de l'empire germanique
Au séjour galant et cynique
De messieurs vos jolis Français,
Un air rebondissant et frais,
Une face rouge et bachique,
Sont les passe-ports qu'en nos traits
Vous produit ici notre clique.

Non, messieurs, nous dit le prudent maître de postes, point de salut sans passe-port. Voyant donc que la nécessité absolue nous mettait dans le cas, ou d'en faire nous-mêmes, ou de ne pas entrer à Strasbourg, il fallut prendre le premier parti, à quoi les armes prussiennes, que j'avais sur mon cachet, nous secondèrent merveilleusement. Nous arrivâmes à Strasbourg, et le corsaire de la douane et le visiteur parurent contents de nos preuves.

Ces scélérats nous épiaient,
D'un œil le passe-port lisaient,
De l'autre lorgnaient notre bourse.
L'or, qui toujours fut de ressource,
Par lequel Jupin jouissait
De Danaé, qu'il caressait,
L'or, par qui César gouvernait