<68>De nos fleuves germains tous les bords sont couverts
De peuples rassemblés des bouts de l'univers;
A leur nombre accablant il faut que je m'oppose.
Si je couvre un pays, c'est l'autre que j'expose;
Je vole à l'ennemi le plus audacieux,
Je l'atteins; une voix m'appelle en d'autres lieux.
Luttant de tous côtés contre une hydre de princes,
Mon bras seul ne peut plus garantir nos provinces;
Tandis que mon État par eux est envahi,
Mes propres alliés m'ont lâchement trahi.
Ai-je pu raffermir la vertu dans leurs âmes?
Ai-je pu déchirer tant de pactes, de trames
Qui les rendront un jour, loin d'accomplir leurs vœux,
L'opprobre et le mépris de nos derniers neveux?
Lorsque de tant de maux mon âme est oppressée,
Un démon des soldats dérange la pensée;
Ce qui me paraît blanc à leurs yeux paraît noir,
Leurs chefs aussi troublés n'ont plus des yeux pour voir,
Un brouillard triste et sombre offusque leurs idées.
Je suis environné d'âmes intimidées,
J'attise les lueurs de leur faible raison,
J'oppose, mais en vain, l'antidote au poison.
Le nombre d'ennemis, le danger qui s'augmente,
Des revers tout récents, accroissent l'épouvante.
Cependant l'ennemi, remuant, inquiet,
Roule dans son esprit un dangereux projet;
Il faut, ou le combattre, ou succomber sur l'heure.
Il faut que d'un héros l'âme supérieure
Donne l'exemple en tout, du dernier au premier.
Ainsi, près de l'Euphrate un antique palmier
Élève les rameaux de sa superbe tête,
Brave, sans s'ébranler, l'assaut de la tempête,
Tandis que l'aquilon au bord des vives eaux
Courbe les tendres joncs et brise les roseaux.
Mais ces roseaux, ma sœur, de nos combats décident;
Et que peut l'officier quand leurs cœurs s'intimident?
Ainsi, dans les palais ou dans les champs de Mars,