<60>C'est l'Océan en proie aux aquilons fougueux;
De leur contraire effort le choc impétueux
Fait soulever les flots, les enfle, les irrite,
Les pousse avec fureur, les rompt, les précipite,
Et la mer mugissante, en frappant à ses bords,
Y jette en reculant des débris et des morts.
Notre frêle vaisseau, sans mâts et sans boussole,
Flotte sans avirons au gré du vague Éole;
Il range des écueils, il désire un abri.
L'un trouve son salut où l'autre avait péri;
La prudence n'est donc qu'un art de conjecture.
L'exemple prouve bien cette vérité dure.
Était-ce son mérite, était-ce sa beauté
Qui, du rang le plus bas et de l'obscurité,
Quand ses attraits flétris touchaient à leur automne,
Éleva Catherine et la mit sur le trône?
Si d'un œil amoureux le lubrique regard
Ne l'eût dans ses transports fait convoiter au Czar,
A son destin obscur à jamais condamnée,
Le pope dans Moscou ne l'eût pas couronnée.
Mais consultons sans choix les fastes de l'amour :
Entre mille beautés qui brillaient à sa cour,
Pour remplacer trois sœurs qui furent ses maîtresses,a
Louis n'adressa point ses vœux à des duchesses;
L'indigne rejeton d'un financier proscrit
Devint l'heureux objet dont son cœur se nourrit;
Toujours plus amoureux, et resserrant ses chaînes,
En ses mains de l'État Louis remit les rênes.
Ce d'Amboise en fontangeb est l'Atlas des Français,
A son bureau se vend et la guerre et la paix;
Pompadour ne fait point filer le fils d'Alcmène,


a Louise-Julie comtesse de Mailli-Nesle, et ses trois sœurs cadettes, mesdames de Vintimille, de Lauraguais et de Châteauroux furent successivement les maîtresses de Louis XV.

b Le cardinal d'Amboise était premier ministre d'État sous Louis XII. C'est à lui que le Roi fait allusion en donnant ici à la marquise de Pompadour le nom d'Amboise en fontange. Voyez t. IX, p. 263.