<59>Dont les ressorts, couverts de ténèbres profondes,
Sous leur déguisement sachant nous échapper,
Par leur fausse apparence ont l'art de nous tromper.
Le philosophe sait que dans toutes les choses
Les effets sont produits du sein fécond des causes;
D'un pas sûr, mais tardif, par le raisonnement
Il remonte au principe après l'événement.
L'insolent politique, ambitieux et sombre,
Porte d'un bras hardi sa lumière en cette ombre;
Il perce l'avenir sans l'avoir aperçu,
Il règle, embrouille tout, et se trouve déçu.
L'aveugle, en tâtonnant, prend pour des certitudes
La trompeuse apparence et les vicissitudes,
Et dans ce labyrinthe ardent à pénétrer,
Sans fil pour le guider, il y court s'égarer,
Bronchant à chaque pas au bord des précipices.
Qui peut lui révéler les bizarres caprices
De tant de faibles rois pétris d'illusions,
Changeants dans leurs faveurs, jouets des passions?
Quels seront les devins, ou quels esprits sublimes
Pourront lui désigner l'espèce de victimes
Que l'ange destructeur, armé par le trépas,
Moissonnera, l'hiver, au sein de tant d'États?
Qu'un roi soit emporté, que son fils le remplace,
Le monde politique en prend une autre face;
Par d'autres passions se laissant dominer,
Sur un plan différent ce roi va gouverner;
De nouvelles erreurs chassent les anciennes,
Et changent les motifs des faveurs ou des haines.
Mais que dis-je? au conseil un moindre choc suffit :
Qu'on exile un ministre, une femme en crédit,
Jamais les successeurs dans ces premières places
De leurs devanciers n'ont poursuivi les traces,
Et souvent dans les cours pour un moindre sujet
Tout prend une autre forme et change de projet.
Tant d'intérêts divers, tant d'intrigues horribles,
Des révolutions les secousses terribles,