<55>Des Grâces et de Polymnie,
Sybarite tranquille, abreuvé d'ambroisie,
Tes destins sont égaux, tes désirs sont contents.
Ainsi, sans crainte et sans envie,
Sans chagrins, noirceurs ni tourments,
Ta prudente philosophie
Trouve dans ces amusements
Que ton goût sagement varie,
Avec ta moitié tant chérie,
Sur le trône des agréments,
Couvert des ailes du génie,
Le paradis des fainéants.
Pour moi, que le torrent des grands événements
Entraîne en sa course orageuse,
Je suis l'impulsion fâcheuse
De ses rapides mouvements.
Vaincu, persécuté, fugitif dans le monde.
Trahi par des amis pervers,
J'éprouve en ma douleur profonde
Plus de maux dans cet univers
Que, dans la fiction dont la Fable est féconde,
N'en a souffert jamais Prométhée aux enfers.
Ainsi, pour terminer mes peines,
Comme ces malheureux, au fond de leurs cachots,
Las d'un destin barbare, et trompant leurs bourreaux,
D'un noble effort brisent leurs chaînes,
Sans m'embarrasser des moyens,
Je romps les funestes liens
Dont la subtile et fine trame
A ce corps rongé de chagrins
Trop longtemps attacha mon âme.
Adieu, d'Argens; dans ce tableau
De mon trépas tu vois la cause.
Au moins ne pense pas du néant du caveau
Que j'aspire à l'apothéose.
Tout ce que l'amitié par ces vers te propose,
C'est que tant qu'ici-bas le céleste flambeau