<207>Des paradoxes vains, la honte de nos jours,
Qui, heurtant le bon sens, aux vérités rebelles,
Débitent des erreurs sous des formes nouvelles?
Soit paradoxe ou non, c'est une vérité
Qu'on sent trop malgré soi, qu'on tait par vanité.
L'emploi d'un souverain, Darget, n'est pas facile
Quand il veut gouverner en roi vraiment habile,
Que, sans se rebuter d'un pénible travail,
Il règle en ses États jusqu'au moindre détail.
Là Thémis, redressant sa balance inégale,
Et réprimant en vain la discorde infernale,
Aux lois de l'équité conformant ses arrêts,
Doit dans un temps donné terminer les procès;
Un hydre renaissant qu'on nomme la chicane.
En aboyant contre elle, élève un front profane.
Et lorsque dans les fers on veut le captiver,
Il s'échappe à l'instant, et revient nous braver;
Cet ouvrage est pareil à ceux de Pénélope.
Mais qui ne deviendrait à bon droit misanthrope,
Quand, ayant terminé cent procès fatigants,
On voit dans les plaideurs autant de mécontents
Qui, mesurant leurs droits au gré de leur caprice,
De propos diffamants accablent la justice?
Il faut taxer le peuple, il subvient aux emplois
Attachés à la cour, aux finances, aux lois;
Ce que donne à l'État le fuseau, la charrue,
Aux héros ses vengeurs de droit se distribue,
Et c'est à l'équité de régler ces impôts
Sur les biens des sujets, différents, inégaux.
Quand le peuple se plaint qu'on charge les villages,
Le courtisan prétend qu'on augmente ses gages,
Et féconds en projets qui bercent leur espoir,
Aucun ne veut donner, et tous veulent avoir;
Qu'heureux serait le roi qui, véritable adepte,
Du grand œuvre un beau jour trouverait la recette!
Plus heureux, s'il pouvait, élevant leur raison,
Réaliser l'État qu'imagina Platon!