<189>On se prend sans amour, on se quitte de même,
Souvent, quand on se hait, on se jure qu'on s'aime,
On se brouille, on revient, on change, on se reprend,
De nos jours la tendresse et s'achète et se vend.
Cet homme du bel air, prodigue de caresses,
Voudrait comme Tarquin suborner nos Lucrèces;
S'il essuie un refus, pour venger cet affront,
Sa langue sur leurs mœurs distille son poison;
S'il est vainqueur, voyez ce galant coryphée
D'une indigne victoire ériger un trophée,
Amener ses captifs, comme un autre César,
Dans un jour de triomphe attachés à son char,
Et se vanter tout haut de son bonheur insigne.
Non, de ces procédés la bassesse m'indigne;
Il n'est plus de secret, d'honneur, de bonne foi,
L'amour est détrôné, l'orgueil donne la loi.
Je ne fais qu'effleurer, mais si je voulais mordre,
Je vous exposerais le coupable désordre
Qu'un amant du bel air par sa légèreté
Fait et fera toujours dans la société;
Comment dans nos maisons un enfant né du crime
Usurpe biens et droits sur le fils légitime,
A l'abri d'un faux nom réunissant sur lui,
Malgré toutes les lois, l'héritage d'autrui.
Vous direz qu'un mari se rit de cet échange,
Et que le talion avec plaisir le venge.
Soit, mais l'ordre établi n'en est-il pas troublé,
Quand un crime produit un crime redoublé?
Quel usage du temps! indignes Sybarites,
Vos amoureux larcins sont donc tous vos mérites!
Supposons qu'un galant favorisé du sort
Atteignît dans sa course aux ans du vieux Nestor,
Examinons tous deux la vie irrégulière
Qu'on lui verrait mener dans sa longue carrière.
De sa jeunesse ardente il donnera les jours
Aux charmes inconstants des frivoles amours;
Mais puni des excès de sa flamme légère,