<192>néantise, leur ignorance; ils sont la plupart plus faibles qu'ambitieux, et plus vains qu'avides de dominer.

Les véritables sentiments de l'auteur sur les gouvernements ne se découvrent que vers la fin de son ouvrage; c'est là qu'il nous apprend que, selon lui, les sujets devraient jouir du droit de déposer leurs souverains lorsqu'ils en sont mécontents. C'est pour amener les choses à ce but qu'il se récrie contre ces grandes armées qui pourraient y porter quelque obstacle; on croirait lire la fable du Loup et du Berger de La Fontaine. Si jamais les idées creuses de notre philosophe pouvaient se réaliser, il faudrait préalablement refondre les formes de gouvernement dans tous les États de l'Europe, ce qui lui paraît une bagatelle; il faudrait encore, ce qui me paraît impossible, que ces sujets érigés en juges de leur maître fussent et sages et équitables, que les aspirants au trône fussent sans ambition, que ni l'intrigue, ni la cabale, ni un esprit d'indépendance ne pussent prévaloir; il faudrait encore que la race détrônée fût totalement extirpée, ou ce seraient des aliments de guerres civiles, et des chefs de partis toujours prêts à se mettre à la tête des factions pour troubler l'État. Il résulterait encore en conséquence de cette forme de gouvernement que les candidats et les prétendants au trône remueraient continuellement, animeraient le peuple contre le prince, et fomenteraient des séditions et des révoltes à la faveur desquelles ils se flatteraient d'élever leur fortune et de parvenir à la domination; de sorte qu'un gouvernement pareil serait sans cesse exposé à des guerres intestines mille fois plus dangereuses que les guerres étrangères. C'est pour éviter de semblables inconvénients que l'ordre de succession a été adopté et établi dans plusieurs États de l'Europe. On s'est aperçu du trouble que les élections entraînent après elles, et l'on a craint, comme de raison, que des voisins jaloux ne profitassent d'une occasion aussi favorable pour subjuguer ou dévaster le royaume. L'auteur pouvait facilement s'éclaircir sur les conséquences de ses principes; il n'avait