<191>Après que l'auteur a prouvé évidemment qu'il ne connaît ni les hommes, ni comment il faut les gouverner, il répète les déclamations des satires de Boileau contre Alexandre le Grand, il fait des sorties contre Charles-Quint et son fils Philippe II, quoiqu'on s'aperçoive à ne s'y point tromper qu'il en veut à Louis XIV. De tous les paradoxes que les soi-disant philosophes de nos jours soutiennent avec le plus de complaisance, celui d'avilir les grands hommes du siècle passé paraît leur tenir le plus à cœur. Quelle réputation leur reviendra-t-il d'exagérer les fautes d'un roi qui les a effacées à force de gloire et de grandeur? Les fautes de Louis XIV, d'ailleurs, sont connues, et ces soi-disant philosophes n'ont pas seulement le petit avantage d'être les premiers à les découvrir. Un prince qui ne régnera que huit jours en commettra sans doute; à plus forte raison un monarque qui a passé soixante années de sa vie sur le trône. Si vous voulez vous ériger en juge impartial, et que vous examiniez la vie de ce grand prince, vous serez obligé de convenir qu'il a fait plus de bien que de mal dans son royaume.a Il faudrait remplir un volume, si l'on voulait faire son apologie en détail; je me borne ici aux chefs principaux. Attribuez donc, comme de raison, la persécution des huguenots à la faiblesse de son âge, à la superstition dans laquelle il avait été élevé, comme à la confiance imprudente qu'il avait en son confesseur; mettez l'incendie du Palatinat sur le compte de l'humeur dure et altière de Louvois : il ne vous restera guère de reproches à lui faire que sur quelques guerres entreprises par vanité ou par esprit de hauteur. Au reste, vous ne pouvez lui refuser d'avoir été le protecteur des beaux-arts. La France lui doit ses manufactures et son commerce; elle lui doit, de plus, l'arrondissement de ses belles frontières et la considération dont elle a joui de son temps en Europe. Rendez donc hommage à ses qualités louables et vraiment royales. Quiconque de nos jours veut entamer les souverains doit attaquer leur mollesse, leur fai-


a Voyez t. I, p. 106 et suivantes, et ci-dessus, p. 53 et 54.