<193> qu'à jeter un coup d'œil sur la Pologne, où chaque élection de roi est l'époque d'une guerre civile et étrangère.

C'est une grande erreur de croire que dans les choses humaines il puisse se rencontrer des perfections; l'imagination peut se forger de telles chimères, mais elles ne seront jamais réalisées. Depuis que le monde dure, les nations ont essayé de toutes les formes de gouvernement, les histoires en fourmillent : mais il n'en est aucun qui ne soit sujet à des inconvénients. La plupart des peuples ont cependant autorisé l'ordre de succession des familles régnantes, parce que, dans le choix qu'ils avaient à faire, c'était le parti le moins mauvais. Le mal qui résulte de cette institution consiste en ce qu'il est impossible que dans une famille les talents et le mérite soient transmis sans interruption, de père en fils, pendant une longue suite d'années, et qu'il arrive que le trône est quelquefois occupé par des princes indignes de le remplir. Dans ce cas même reste la ressource d'habiles ministres, qui peuvent réparer par leur capacité ce que l'ineptie du souverain gâterait sans doute. Le bien qui suit évidemment de cet arrangement consiste en ce que les princes nés sur le trône ont moins de morgue et de vanité que de nouveaux parvenus qui, enflés de leur grandeur et dédaignant ceux qui furent leurs égaux, se complaisent à leur faire sentir en toute occasion leur supériorité. Mais observez surtout qu'un prince qui est sûr que ses enfants lui succéderont, croyant travailler pour sa famille, s'appliquera avec bien plus de zèle au vrai bien de l'État qu'il envisage comme son patrimoine; au lieu que, dans les États électifs, les souverains ne pensent qu'à eux, à ce qui peut durer pendant leur vie, et à rien de plus; ils tâchent d'enrichir leur famille, et laissent tout dépérir dans un État qui, à leurs yeux, est une possession précaire, à laquelle il faudra renoncer un jour. Si quelqu'un veut s'en convaincre, il n'a qu'à s'informer de ce qui se passe dans les évêchés de l'Allemagne, en Pologne, à Rome même, où les tristes effets de l'élection ne sont que trop évidents. Quelque parti