<169> du premier occupant? Oui, monsieur le soi-disant philosophe, la France entretient de grandes armées. Aussi n'est-elle plus exposée à ces temps de confusion et de trouble où elle se déchirait par des guerres civiles, plus pernicieuses et plus cruelles que les guerres étrangères. Il paraît que vous regrettez ces temps où de puissants vassaux ligués ensemble pouvaient résister au souverain qui n'avait pas des forces suffisantes à leur opposer. Non, vous n'êtes point l'auteur de l'Essai sur les préjugés; ce livre ne peut avoir été écrit que par quelque chef de parti de la Ligue ressuscité, qui, respirant encore l'esprit de faction et de trouble, veut exciter le peuple à la rébellion contre l'autorité légitime du souverain. Mais que n'auriez-vous pas dit, si dans le cours de la dernière guerre il fût arrivé que les Anglais eussent pénétré jusqu'aux portes de Paris? Avec quelle impétuosité ne vous seriez-vous pas déchaîné contre le gouvernement qui aurait si mal pourvu à la sûreté du royaume et de la capitale! Et vous auriez eu raison. Pourquoi donc, homme inconséquent et ivre de tes rêveries, tâches-tu de flétrir et d'avilir ces vraies colonnes de l'État, ce militaire respectable aux yeux d'un peuple qui lui doit la plus grande reconnaissance? Quoi! ces défenseurs intrépides qui s'immolent, les victimes de la patrie, tu leur envies les honneurs et les distinctions dont ils jouissent à si juste titre! Ils les ont payés de leur sang, et c'est au risque de leur repos, de leur santé et de leur vie qu'ils les ont obtenus. O l'indigne mortel, qui veut avilir le mérite, qui veut lui enlever les récompenses qui lui sont dues, la gloire qui l'accompagne, et étouffer les sentiments de reconnaissance que lui doit le public!

Ne pensez pas que les militaires soient les seuls qui aient à se plaindre de notre auteur. Il ne se trouve aucune condition dans le royaume à l'abri de ses traits. Il nous apprend que les places de la justice sont vénales en France. Il y a longtemps qu'on le sait. Pour connaître la source de cet abus, il faut remonter, si je ne me trompe,