<132> de Philadelphie. Ce quiproquo acheva de gâter les affaires : Burgoyne, qui manquait de chevaux pour se faire suivre de ses vivres, ayant entrepris une expédition impraticable relativement aux subsistances, fut obligé de se rendre prisonnier avec toutes ses troupes aux Américains qu'il croyait subjuguer. Cet échec, dont des événements semblables auraient autrefois soulevé toute la nation contre le gouvernement, et causé même une révolution, ne produisit alors qu'un léger murmure, tant l'amour des richesses l'emportait sur l'amour de la patrie, et faisait préférer à ce peuple, autrefois si noble et si généreux, l'avantage personnel au bien général.

Le roi d'Angleterre, qui soutenait le système de Bute par caprice et par obstination, se roidissait contre les obstacles qu'il voyait naître sous ses pas. Peu sensible aux malheurs qui retombaient sur son peuple, il n'en devenait que plus ardent pour l'exécution de ses projets; et afin de gagner la supériorité des forces sur les Américains, il faisait négocier dans toutes les cours de l'Allemagne, pour en tirer le peu de secours qu'elles pouvaient encore lui fournir. L'Allemagne se ressentait déjà de la quantité d'hommes qu'on en avait tirés pour les envoyer dans ces climats lointains, et le roi de Prusse voyait avec peine l'Empire dépourvu de tous ses défenseurs, surtout au cas qu'il survînt une nouvelle guerre, car, dans les troubles de 1756, la Basse-Saxe et la Westphalie seules avaient assemblé une armée avec laquelle on avait arrêté et dérangé tous les progrès de l'armée française.a Par cette raison, il chicana le passage des troupes des princes qui en donnaient à l'Angleterre, en tant qu'elles se trouvaient obligées de passer par le Magdebourg, le pays de Minden, ou par le Bas-Rhin. Ce n'était qu'une faible revanche des mauvais procédés que la cour de Londres avait eus envers lui au sujet de la ville et du port de Danzig. Toutefois le Roi ne voulut pas pousser les choses trop loin : une longue expérience lui avait appris qu'on trouve une multitude d'ennemis dans


a Voyez t. IV, p. 119, 120 et 156.