<133> le monde, sans qu'on se donne la peine de s'en susciter soi-même de gaieté de cœur. Voilà en gros l'idée qu'on peut se représenter de l'Angleterre pendant le peu d'années dont nous nous sommes proposé de décrire les événements. Nous la quitterons maintenant pour présenter le résumé de ce que, pendant la même époque, il se passa de mémorable en Russie.

L'impératrice de Russie sortait de la guerre qu'elle avait faite aux Turcs, couverte de gloire des succès que ses troupes avaient eus contre ses ennemis; mais l'État était presque épuisé d'hommes et d'argent, et la paix, si mal assurée, que le grand vizir déclara lui-même au prince Repnin, ambassadeur à la Porte, qu'à moins que le kan de Crimée ne retournât sous la domination de la Porte, et que l'impératrice de Russie ne restituât Kertsch et Jenikale, la paix qu'on avait extorquée aux Turcs, ne serait ni solide ni durable. Sur cette déclaration, les troupes russes occupèrent Pérécop, et aussitôt les hostilités recommencèrent en Crimée. Ce n'était pas une guerre dans les formes, où deux grandes armées se trouvassent en présence l'une de l'autre; mais c'étaient des incursions où des troupes turques débarquaient en différents parages, ce qui occasionnait de petits combats, dont toutefois les Russes sortirent toujours victorieux. Cependant cet état d'incertitude inquiétait l'Impératrice, parce qu'elle était obligée d'assembler son armée sur les frontières de la Tartarie, et de tenir un gros corps à Kiovie, pour l'opposer, en cas de nécessité, à un corps de quarante mille Turcs campé près de Bender, qui de là, en traversant la Pologne, pouvait facilement se porter vers cette partie des provinces russes située à l'autre bord du Dniester. Ainsi, sans avoir ni la paix ni la guerre, les dépenses de l'Impératrice étaient aussi grandes que si la guerre avait été déclarée entre ces deux puissances.

L'intérieur de la cour de Pétersbourg fournissait des événements d'une autre nature, mais qui tiennent également à l'histoire de ce