<487>assez concluant à quiconque n'en jugera que selon celles de la raison et de la morale. Je le joins ici, et je le donne pour ce qu'il peut valoir.

2o J'avoue qu'il y avait beaucoup de faux brillant dans les vertus des philosophes païens; mais j'y ai ajouté qu'il n'y en a pas moins parmi les chrétiens. Bien que cette assertion ne soit pas nouvelle, et n'ait pas besoin de preuves, j'eusse pu en appeler à l'expérience.

Combien ne voyons-nous pas parmi nous de tartufes, de fausses prudes, de faux braves! Et comment se peut-il autrement, dès que nos passions sont la source et l'objet de nos vertus et de nos vices, et souvent plus fortes que la raison qui doit les gouverner?

3o En parlant de la morale épurée de Socrate et de son affection pour Alcibiade, je devrais m'être souvenu de l'abrégé que Rollin nous donne de l'histoire de ce prince des philosophes dans le quatrième tome de son Histoire ancienne, abrégé qui mérite d'être lu avec attention, tant à cause de la justice qu'il rend à la pureté de la morale et au profond savoir de Socrate, que par rapport à la noble et touchante éloquence avec laquelle l'auteur l'a écrit.

Je devrais aussi y avoir ajouté qu'il régnait dans ce siècle-là une sorte d'amour singulière parmi les Grecs, qui faisait souvent soupçonner la vertu de ceux qui en étaient susceptibles, quoique ce fût un amour très-innocent et d'un très-bon effet pour le bien public. Voici comment il se pratiquait.

Les jeunes gens, et souvent des hommes faits, s'amourachaient les uns des autres, non dans des vues criminelles, que la morale d'alors condamnait tout comme la nôtre, mais pour courir la même fortune et pour s'animer réciproquement à la vertu. Il y en a qui prétendent qu'Hercule en introduisit la mode, en aimant de cette manière un nommé Iolas, qui l'accompagnait en toutes ses entreprises. Ce qu'il y a de vrai, selon Plutarque, c'est que cette espèce d'amants se juraient réciproquement une amitié inséparable, et que pour rendre leur serment plus solennel, on le leur faisait prêter ordinairement sur le tombeau d'Iolas.

De toutes les nations grecques, il n'y en a point qui semble avoir fait autant de cas de ces engagements que les Thébains. Ils formèrent même un bataillon de trois cents amants et aimés, qu'ils appelaient le bataillon sacré, et qui rendit de grands services à l'État.

On prétend qu'il ne fut jamais rompu ou vaincu. Il subsista longtemps; mais il fut enfin taillé en pièces dans la bataille de Chéronée, que les Macédoniens gagnèrent sur les Grecs. Voici ce qu'en dit Plutarque : « Après la bataille, dit-il dans la Vie de Pélopidas, Philippe visitant le champ de bataille, et voyant ces trois cents soldats étendus les uns près des autres, tous percés par-devant, il fut rempli d'admiration, et ayant appris que c'était là le bataillon d'amants et d'ai- »