<558> qu'une intelligence préside à cet univers pour maintenir l'arrangement général de la machine. Je me représente cette intelligence comme le principe de la vie et du mouvement. Le système du chaos développé me paraît insoutenable, parce qu'il eût fallu plus d'habileté pour former le chaos et le maintenir que pour arranger les choses telles qu'elles sont; le système d'un monde créé de rien est contradictoire, et par conséquent absurde : il ne reste donc que l'éternité du monde, idée qui, n'impliquant aucune contradiction, me paraît la plus probable, parce que ce qui est aujourd'hui peut bien avoir été hier, et ainsi du reste. Or, l'homme étant matière, pensant et se mouvant, je ne vois point pourquoi un pareil principe pensant et agissant ne pourrait pas être joint à la matière universelle. Je ne l'appelle pas esprit, parce que je n'ai aucune idée d'un être qui n'occupe aucun lieu, qui par conséquent n'existe nulle part; mais comme notre pensée est une suite de l'organisation de notre corps, pourquoi l'univers, infiniment plus organisé que l'homme, n'aurait-il pas une intelligence infiniment supérieure à celle d'une aussi fragile créature?

Cette intelligence coéternelle avec le monde ne peut pas, selon que je la conçois, changer la nature des choses; elle ne peut ni rendre ce qui pèse léger, ni ce qui est brûlant glacé. Asservie à des lois qui sont invariables et inébranlables, elle ne peut que combiner, et ne saurait se servir des choses que selon que leur constitution intrinsèque s'y prête. Les éléments, par exemple, ont des principes certains, et ils ne pourraient pas exister autrement qu'ils ne font; mais si l'on veut en inférer que le monde, étant éternel, est nécessaire, et que par conséquent tout ce qui existe est assujetti à une fatalité absolue, je ne crois pas devoir souscrire à cette proposition. Il me paraît que la nature se borne à avoir doué les éléments de propriétés éternelles et stables, et asservi le mouvement à des lois permanentes, qui sans doute influent considérablement sur la liberté, sans cepen-