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Frénétique métromanie,
Immortelle cour d'Apollon,
Qui jurez dans la compagnie
De la pourpre et de la raison :
Ma muse, du Pinde proscrite,
M'avertit que son dieu la quitte.
Ainsi donc j'abandonnerai
Cette séduisante carrière;
Mais tant que je vous y verrai,
Assis auprès de la barrière,
Battant des mains, j'applaudirai.

Je vous rends un peu de laiton pour de l'or pur que vous m'envoyez. Il n'est en vérité rien au-dessus de vos vers. J'en ai vu que vous adressez à Algarotti, qui sont charmants : mais ceux qui sont pour moi sont encore au-dessus des autres. La Sémiramis m'est parvenue en même temps, remplie de grandes beautés de détail et de ces superbes tirades qui confirment le goût décidé que j'ai pour vos ouvrages. Je ne sais cependant si les spectres et les ombres que vous mettez dans cette pièce lui donneront tout le pathétique que vous vous en promettez. L'esprit du dix-huitième siècle se prête à ce merveilleux lorsqu'il est en récit, et c'est un peu hasarder que de le mettre en action. Je doute que l'ombre du grand Ninus fasse des prosélytes. Ceux qui croient à peine en Dieu doivent rire quand ils voient des démons jouer un rôle sur le théâtre. Je hasarde peut-être trop de vous exposer mes doutes sur une chose dont je ne suis pas juge compétent. Si c'était quelque manifeste, quelque alliance, ou quelque traité de paix, peut-être pourrais-je en raisonner plus à mon aise, et bavarder politique, ce qui est le plus souvent travestir en héroïsme la fourberie des hommes. Je me suis à présent enfoncé dans l'histoire : je l'étudié, je l'écris,a plus curieux de connaître celle des autres que de savoir la fin de la mienne. Je me porte mieux à


a Les Mémoires de Brandebourg. Voyez t. I, p. xxxv et suivantes.