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De vision théologale,
Je préfère à cette morale
La solide réalité
Des voluptés de cette vie.
Je laisse la félicité
Dont on prétend qu'elle est suivie
A quelque docteur entêté,
Dont l'âme au plaisir engourdie
Ne vit que dans l'éternité;
A cette engeance triste et folle
Des Malebranches de l'école,
Grands alambiqueurs d'arguments,
Dont la raison et le bon sens
Subtilement des bancs s'envole,
Attendant un Roland nouveau
Qui, par pitié pour leur cerveau,
Aille recouvrer leur fiole,a
Pour moi, qui me ris de ces fous,
Je m'abandonne sans faiblesse
Aux plaisirs que m'offrent mes goûts;
Et, lorsque mon démon m'oppresse,
Aux riches sources du Permesse
J'ose encor puiser quelquefois.
Mais l'âge fane ma jeunesse,
Mon front, sillonné par ses doigts,
M'apprend, hélas! que la vieillesse
V ient pour me ranger sous ses lois.
Adieu, beaux jours, plaisirs, folie,
Brillante imagination,
Enfants de mon naissant génie;
Adieu, pétillante saillie;
Vos charmes sont hors de saison,
Et la sagesse, me dit-on,
Doit sur la physionomie
D'un républicain de Platon
Imprimer l'air froid de Caton.
Adieu, beaux vers, douce harmonie,


a Allusion au voyage d'Astolphe dans la lune. Voyez t. X, p. 239, et t. XI, p. 141.