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219. A VOLTAIRE.

Des bords du Phase,a 7 avril 1744.

Du faîte de votre Empyrée,
Voltaire, vous m'éblouissez;
Le soleil de mon éthérée
Se met humblement à vos pieds;
Sa pâle lueur, obscurcie
D'un gros nuage de bon sens,
Attend qu'à son tour la folie
Lui rende ses rayons brillants.
Souffrez que mon fausset grotesque
N'aille point étourdir Paris,
Et laissez ma lyre tudesque
Inconnue à vos beaux esprits.
Je crois voir un sauteur agile,
Qui, raffinant pour relever
Ses tours, que l'on vient d'admirer,
Sur les tréteaux fait monter Gille,
Gille, qui pense l'imiter.
C'est donc ainsi, monsieur Virgile,
Que vous prétendez me jouer?
Mais, fripon, ton démon m'agite,
Lors même que je m'en défends,
Que je m'esquive et que j'évite
De me livrer à tes talents.
C'est ainsi qu'on provoque encore,
Par des tons aux siens accordants,
La douce voix du luth sonore,
Qui répond aux derniers accents.

Enfin, malgré que j'en aie, voilà des vers que votre Apollon m'arrache. Encore s'il m'inspirait!


a Potsdam.