<155>Par qui les pierres assemblées
S'arrangent sous son violon?
Est-ce le charmant Arion,
Chantant sur les plaines salées?
C'est mon prince, ou c'est Apollon.

Au doux son de tant de merveilles,
J'entends braire, près d'un chardon,
L'animal à longues oreilles
De qui vous devinez le nom.a
Il nous dit de sa voix pesante :
N'admirez plus la voix brillante
De ce roi poëte, orateur;
Auprès de moi que peut-il être?
Il n'est que roi, je suis son maître;
Car des rois je suis précepteur.

Oui, tu l'es; autrefois Achille
Soumit son enfance docile
A ce singulier animal.
Moitié sage, moitié cheval.
Mon cher précepteur, c'est dommage;
Mais, quand le ciel t'a fabriqué.
Il n'acheva pas son ouvrage :
Une des moitiés a manqué.

219. A VOLTAIRE.

Des bords du Phase,a 7 avril 1744.

Du faîte de votre Empyrée,
Voltaire, vous m'éblouissez;
Le soleil de mon éthérée
Se met humblement à vos pieds;
Sa pâle lueur, obscurcie
D'un gros nuage de bon sens,


a Voltaire veut sans doute parler de l'évêque Boyer, précepteur du Dauphin. Voyez, ci-dessus, p. 145.

a Potsdam.