8. DE M. DE SUHM.

Berlin, 30 mars 1736.



Monseigneur

Il me tarde de me voir aux pieds de Votre Altesse Royale pour lui témoigner une faible partie des sentiments dont m'a pénétré sa dernière lettre. Quel prix de mon obéissance! et combien l'immortalité de mon âme ne m'en devient-elle pas plus chère depuis l'assurance que V. A. R. vient de me donner! Quelle noblesse de sentiments! quelle élévation! Vous êtes assurément le premier prince, que dis-je? vous êtes le premier homme qui, non content de faire du bien dans ce monde, ne pense trouver dans l'immortalité de son âme qu'une raison d'en faire éternellement. Quelle preuve invincible des récompenses après cette vie n'est pas à mes yeux ce sentiment de votre belle âme, car que ne doit-on pas attendre du Créateur, qui prit plaisir à l'y imprimer!

J'ose espérer, monseigneur, que vous aurez pardonné au vif intérêt que je prends à votre santé les représentations que j'ai pris la liberté de vous faire; et je me flatte que vous avez trop bonne opinion de moi pour me croire capable de combattre votre amour pour les sciences, passion louable dans tout homme, et adorable dans un grand prince. Non, monseigneur, je n'ai voulu combattre que cet excès d'amour pour elles, qui vous porte souvent à retrancher de votre<282> sommeil une trop grande partie pour que votre santé ne doive pas tôt ou tard s'en ressentir.

Pour prix des vœux que je fais sans cesse pour une aussi longue et aussi glorieuse vie de V. A. R. que ses vertus la lui méritent déjà, permettez, monseigneur, que je prenne au pied de la lettre les assurances que vous daignez me donner de vos bonnes grâces.

J'ai l'honneur de vous envoyer la continuation de Wolff jusqu'au paragraphe 75, c'est-à-dire, jusqu'à celui où notre philosophe commence à parler des êtres simples.

Je suis avec le plus profond respect, etc.