9. DU MÊME.

Lübben, 17 (sic) avril 1736.



Monseigneur

J'ai été obligé malgré moi de m'arrêter encore quelques jours à Berlin; mais je n'ai pas lieu de m'en repentir, puisque j'ai eu occasion de lire un post-script pour le Diaphane, qui l'a mis au comble de la joie en lui apprenant que son divin prince a bien voulu l'assurer qu'il pense à lui. Rien ne pouvait venir plus à propos pour soulager l'ennui mortel qu'il ressent d'être absent du prince adorable pour qui seul il vit et respire.

Le comte d'Althann m'a fait savoir par le baron Demeradt que le saumon est arrivé en même temps que lui, fort à propos, le vendredi saint, et que le duc de Lorraine282-a remerciera lui-même V. A. R. de cette attention, à laquelle il a témoigné être très-sensible.

<283>Aussitôt que je fus arrivé ici, je repris Wolff, et j'ai l'honneur d'en envoyer à V. A. R. la continuation. C'est depuis le paragraphe 75 jusqu'au 90e. J'ai mieux aimé envoyer peu cette fois que de manquer une poste. Mais ce peu mérite beaucoup d'attention, et sera, je m'assure, trouvé digne des réflexions de V. A. R.

Oserais-je, monseigneur, vous faire part d'une découverte que je crois avoir faite dans mon petit travail? Je crois m'être aperçu que la langue allemande est plus propre aux raisonnements métaphysiques et abstraits que la française. Les raisons qui me l'ont lait juger sont, premièrement, que la langue allemande est plus riche en mots, et, secondement, qu'elle n'est pas aussi sujette aux ambiguïtés que la langue française; ce qui fa rend propre à exprimer chaque pensée avec plus de précision et de netteté, et par conséquent avec plus de force. Je sens fort bien toute la hardiesse d'une telle assertion; mais sachant combien V. A. R. est prompte et facile à se rendre à de bonnes raisons, pourquoi craindrais-je d'en avancer? et pourquoi ne me permettrait-elle pas de m'élever jusqu'à l'imiter en cela, en me laissant frapper par des raisons frappantes? Il est vrai que je puis me tromper en attribuant à la langue française des défauts que je ne devrais chercher que dans moi-même; c'est aussi ce qui m'a fait prendre la précaution de mettre à la marge les mots allemands que je n'ai pas cru pouvoir rendre assez bien en français, laissant à la pénétration de V. A. R. le soin de suppléer à l'imperfection de mon travail.

J'ai l'honneur d'être avec le plus parlait dévouement et le plus profond respect, etc.


282-a François, duc de Lorraine, puis grand-duc de Toscane, et enfin empereur, avait assisté aux fiançailles de Frédéric, qui avaient eu lieu à Berlin le 10 mars 1732. Voyez ci-dessus, p. 41 et 48.