<306>Hommes, chevaux sont tués sans égards,
La terre fut de cadavres couverte.
Saint Népomuc apprend ce grand combat,
Il vient, il voit sa troupe mutilée;
Il prend tout l'air du dévot Kolowrat;
Même il s'avance au sein de la mêlée,
Il fait sonner de tous côtés l'appel.
Le cavalier qui fuyait se rassemble,
Au soldat blême, intimidé, qui tremble,
Le saint adresse un discours paternel.
Contre la peur le bon saint le rassure,
De ce combat déplore l'aventure,
Et lui promet le sûr appui du ciel.
En même temps, dans ce danger mortel,
A son secours, au centre de l'armée,
Il fait venir saint Charles Borromée.
Le saint arrive, et travestit son air;
Dessous son nez il dresse sa moustache,
Couvre son chef d'un fort armet de fer,
Et sur son bras il charge sa rondache.
Ce saint montait la fleur des palefrois;
Bien mieux valait que Rabicana cent fois,
Et devant lui le Podargea s'éclipse.
Il avait eu ce cheval de saint Jean,
Qui, le tirant hors de l'Apocalypse,b
Le lui vendit à certain prix d'argent.
Lorsque le saint dans ce fol équipage


a Cheval de bataille de différents héros du Roland amoureux du Bojardo, ainsi que du Roland furieux de l'Arioste. Pour Podarge, voyez ci-dessus, p. 188.

b Chap. VI, v. 2, et chap. XIX, v. 11.