<242>Quand, ayant terminé cent procès fatigants,
On voit dans les plaideurs autant de mécontents
Qui, mesurant leurs droits au gré de leur caprice,
De propos diffamants accablent la justice?
Il faut taxer le peuple, il subvient aux emplois
Attachés à la cour, aux finances, aux lois;
Ce que donne à l'État le fuseau, la charrue,
Aux héros ses vengeurs de droit se distribue,
Et c'est à l'équité de régler ces impôts
Sur les biens des sujets, différents, inégaux.
Quand le peuple se plaint qu'on charge les villages,
Le courtisan prétend qu'on augmente ses gages,
Et féconds en projets qui bercent leur espoir,
Aucun ne veut donner, et tous veulent avoir;
Qu'heureux serait le roi qui, véritable adepte,
Du grand œuvre un beau jour trouverait la recette!
Plus heureux, s'il pouvait, élevant leur raison,
Réaliser l'État qu'imagina Platon!
Mais voici d'autres soins : il faut qu'un bras sévère
Retienne en son devoir le fougueux militaire :
Dans son libertinage un farouche soldat,
Parjure à ses serments, renverserait l'État;
En ses prétoriens Rome eut autant de traîtres,
Ils marchandaient l'empire et lui donnaient des maîtres.
Il faut que ces lions, pour les combats nourris,
Par Bellone lâchés, soient domptés par Thémis;
Mais pour assujettir leur fière indépendance,
Mais pour donner un frein à leur folle licence,
Il nous faut tour à tour employer la rigueur,
L'espérance, la crainte et même la douceur;
Il faut, pour que l'État ne perde point sa gloire,